Régions
13/02/2010 20:06

Brice Hortefeux réticent à une réforme de la garde à vue

Le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux a posé ses conditions samedi à une éventuelle réforme de la garde à vue, une mesure policière mise en cause après la divulgation de cas jugés abusifs.



Dans un entretien publié par le Journal du dimanche et sur Europe 1, il explique qu'il entend consulter les syndicats de policiers et veiller à ce que l'efficacité de l'action des forces de sécurité ne soit pas mise en cause.

"La réforme ne doit pas avoir pour effet de donner plus de droits aux délinquants qu'aux victimes", a-t-il déclaré au JDD. "Concernant les modalités et le périmètre de cette réforme, je dois naturellement en discuter avec mes interlocuteurs, les organisations syndicales (de policiers)", a-t-il ajouté sur Europe 1.

Il répondait à la ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie, qui prévoit de présenter pour l'été prochain un texte censé encadrer la garde à vue. Les deux ministres se sont déjà affrontés ces dernières semaines sur d'autres sujets.

Les critiques contre le recours jugé abusif à la garde à vue ont suscité de vives réactions des syndicats de police, qui expliquent qu'ils n'ont fait qu'appliquer les consignes du pouvoir politique.

Dans un communiqué commun, les syndicats Alliance et Synergie ont dénoncé vendredi soir ce qu'ils voient comme une "campagne de désinformation et d'attaques scandaleuses contre les policiers et les gendarmes menée de manière partisane par des groupes d'intérêts qui bénéficient d'un large relais médiatique".

"Alliance et Synergie se réservent le droit de donner des consignes afin de mener des actions nationales si de nouvelles mesures affaiblissant encore le potentiel des services d'enquête venaient à être adoptées", dit leur communiqué.

La controverse a été attisée ces derniers jours par plusieurs cas litigieux, notamment deux affaires où des adolescents mis en cause pour des faits peu graves - une bagarre devant un collège et un défaut de titre de transport dans un bus - ont été arrêtés, placés en garde à vue et menottés.

Les statistiques montrent que la police a recours désormais très largement à ce pouvoir qui lui permet de retenir et de placer en cellule toute personne soupçonnée d'un délit, pour une durée de 48 heures dans les dossiers de droit commun.

Le chiffre officiel est de 577.816 gardes à vue en 2008, ce qui représente une augmentation de 35% par rapport à 2003. Il faut cependant y ajouter les gardes à vue pour infractions routières, comptées à part, et le chiffre annuel est entre 800.000 et 900.000.

Michèle Alliot-Marie dit vouloir limiter la garde à vue aux faits passibles de prison, mais cette mesure est jugée symbolique par les syndicats de magistrats, puisque c'est le cas pour la plupart des délits.

Les syndicats de magistrats estiment qu'on est davantage en présence d'un problème de pratique que de législation.

La police, rappellent-ils, n'est jamais obligée de recourir à la garde à vue. Elle est par ailleurs tenue par le principe général qui veut qu'elle proportionne la contrainte à la gravité des faits et aux nécessités de l'enquête.

Brice Hortefeux a renvoyé dans ses entretiens le problème à l'autorité judiciaire. "Je tiens (...) à mettre en garde contre de fausses idées et à rappeler que cette mesure est strictement encadrée par la loi et qu'elle s'exécute sous le contrôle de l'autorité judiciaire", a-t-il dit sur Europe 1.

Le nombre de gardes à vue, qui ne constituent que des mesures d'enquête et non des résultats policiers, sont pourtant depuis 2002 un critère officiel pour évaluer la performance des forces de sécurité.

On peut le lire notamment dans le texte de la loi d'orientation pour la sécurité adopté cette semaine par l'Assemblée qui se félicite "d'un nombre de personnes placées en garde à vue progressant de 51,52%" entre 2002 et 2008.
 

Source: Reuters via Yahoo News

Awa Diakhate



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