Mamadou Djite dit Libasse milite au Parti Socialiste (PS) du Sénégal depuis plusieurs décennies. Membre du Bureau Politique du PS et secrétaire général de l’Union départementale des Coordinations PS de Pikine, il donne, dans cette interview, la parole au Secrétaire général du Parti Socialiste, Ousmane Tanor Dieng. Accompagné d’Henri Vario-Nouioua et Sylvie Delhaye, qui animent sa cellule de communication, Libasse se présente en retard dans un taxi à l’image des moyens plus que limités de l’Union départementale. Tanor Dieng accueille en boubou toute l’équipe avec un grand sourire et une cordiale poignée de mains à chacun puis fait patienter pour revenir vêtu d’une tenue détendue. Henri, assis à la gauche du Secrétaire général du PS, ne sait pas par quel bout prendre l’homme de pouvoir qu’est Tanor Dieng, ne sait pas comment installer le climat intimiste auquel il est attaché pour cette interview. Sylvie fait face à Tanor, bloc et stylo en main. Et c’est Libasse Djite, en leader local, qui rompt le silence et crée l’ambiance propre à une rencontre entre camarades : «Voici, dit-il, mes amis, qui animent ma cellule de communication. Je propose une conversation à bâtons rompus entre camarades.» Quelque chose change alors, quelque chose d’imperceptible, un simple fil s’installe et Tanor sourit. Henri comprend qu’il n’a pas à faire, ce jour-là, à l’homme de pouvoir mais bien à un camarade pour lequel il faudra faire campagne. Puis il se souvient de sa conversation téléphonique avec Ousmane Tanor Dieng lors de la prise de RDV: «La question de ma candidature ne se pose pas, avait scandé Tanor, quelque soit le candidat, nous avons déjà gagné en mettant en place un programme au contenu audacieux et qui grâce, à notre parti et à la coalition Bennoo, va remettre le Sénégal et les Sénégalais en ordre de bataille pour vaincre la pauvreté et l’indigence intellectuelle.»
Henri Vario-Nouioua: Quels ont été les hommes ou les événements qui vous ont le plus marqué?
Tanor sourit et ses épaules s’affaissent, il fixe ses mains, le silence se fait pesant. Henri sait qu’il vient de porter un coup. Puis Ousmane le fixe d’un regard amical, les épaules se redressent. Ousmane Tanor Dieng sait encaisser. L’animal politique s’éveille:
Votre question suscite une véritable bousculade dans mon esprit. Je crois avoir été profondément affecté par le décès de ma mère, lorsque j'avais 15 ans. De retour au village, pendant les vacances, j'ai trouvé ma mère malade. Je l'ai accompagnée chez sa sœur et l'ai veillée, la plus jeune de mes sœurs à ses côtés, pendant plusieurs jours. Un matin, j'ai quitté ma mère, encore vivante, pour aller voir mon père, comme il se doit. Avant même que j'arrive auprès de mon père, on m'a rejoint sur la route, pour me dire que ma mère était morte. Après cela, je ne voulais plus quitter ma famille, mon village pour retourner en cours à Saint Louis. Mon père a dû me parler longuement pour que je reprenne mes études.
Henri Vario-Nouioua: En quoi cela influe-t-il sur votre vision de la politique?
Ousmane Tanor Dieng: J'en ai retiré l'horreur de l'impuissance. Lorsque l'on est à la tête d'un pays en voie de développement, on sait quoi faire et comment pour régler les problèmes qui se posent. Tout est urgent mais les réponses apportées dans le cadre du néolibéralisme sont toujours inadéquates. Le néolibéralisme, c’est la mort de l’Humain et on ne peut pas lutter contre la mort autrement qu’en mettant l’amélioration des conditions de vie des femmes et des hommes au cœur du combat politique. Et pour en revenir à ma défunte mère, à ce deuil qui ne me quitte pas. Il se confond à présent avec la douleur de mes compatriotes. C’est alors que Tanor Dieng se tord les mains, les observe et ajoute: j’ai servi ce pays, ce continent et ai fréquenté les plus grands de ce monde. Aucun d’entre eux ne me semble mauvais. Toute la question de la gouvernance réside dans le terrible fait que la somme des intérêts particuliers ne forme pas l’intérêt général. Ceci, je l’ai appris dans l’histoire politique de notre pays aussi bien que dans la vie quotidienne. C’est ainsi que, pour gouverner, il faut faire abstraction de soi. Ce n’est malheureusement pas le cas du Président Wade et de son gouvernement. Ils ne servent pas le pays mais se servent de lui, en font une boutique ouverte aux quatre vents où tout est à vendre. Le Sénégal y perd de son âme, les Sénégalais leur dignité. C’est pourquoi, bien souvent, certains pays riches traitent le Sénégal comme s’il s’agissait d’un comptoir. Ils ont tort et nous n’avons pas raison car nous laissons faire.
Henri Vario-Nouioua: Quels ont été les hommes ou les événements qui vous ont le plus marqué?
Tanor sourit et ses épaules s’affaissent, il fixe ses mains, le silence se fait pesant. Henri sait qu’il vient de porter un coup. Puis Ousmane le fixe d’un regard amical, les épaules se redressent. Ousmane Tanor Dieng sait encaisser. L’animal politique s’éveille:
Votre question suscite une véritable bousculade dans mon esprit. Je crois avoir été profondément affecté par le décès de ma mère, lorsque j'avais 15 ans. De retour au village, pendant les vacances, j'ai trouvé ma mère malade. Je l'ai accompagnée chez sa sœur et l'ai veillée, la plus jeune de mes sœurs à ses côtés, pendant plusieurs jours. Un matin, j'ai quitté ma mère, encore vivante, pour aller voir mon père, comme il se doit. Avant même que j'arrive auprès de mon père, on m'a rejoint sur la route, pour me dire que ma mère était morte. Après cela, je ne voulais plus quitter ma famille, mon village pour retourner en cours à Saint Louis. Mon père a dû me parler longuement pour que je reprenne mes études.
Henri Vario-Nouioua: En quoi cela influe-t-il sur votre vision de la politique?
Ousmane Tanor Dieng: J'en ai retiré l'horreur de l'impuissance. Lorsque l'on est à la tête d'un pays en voie de développement, on sait quoi faire et comment pour régler les problèmes qui se posent. Tout est urgent mais les réponses apportées dans le cadre du néolibéralisme sont toujours inadéquates. Le néolibéralisme, c’est la mort de l’Humain et on ne peut pas lutter contre la mort autrement qu’en mettant l’amélioration des conditions de vie des femmes et des hommes au cœur du combat politique. Et pour en revenir à ma défunte mère, à ce deuil qui ne me quitte pas. Il se confond à présent avec la douleur de mes compatriotes. C’est alors que Tanor Dieng se tord les mains, les observe et ajoute: j’ai servi ce pays, ce continent et ai fréquenté les plus grands de ce monde. Aucun d’entre eux ne me semble mauvais. Toute la question de la gouvernance réside dans le terrible fait que la somme des intérêts particuliers ne forme pas l’intérêt général. Ceci, je l’ai appris dans l’histoire politique de notre pays aussi bien que dans la vie quotidienne. C’est ainsi que, pour gouverner, il faut faire abstraction de soi. Ce n’est malheureusement pas le cas du Président Wade et de son gouvernement. Ils ne servent pas le pays mais se servent de lui, en font une boutique ouverte aux quatre vents où tout est à vendre. Le Sénégal y perd de son âme, les Sénégalais leur dignité. C’est pourquoi, bien souvent, certains pays riches traitent le Sénégal comme s’il s’agissait d’un comptoir. Ils ont tort et nous n’avons pas raison car nous laissons faire.
Henri Vario-Nouioua: A ce propos, pensez-vous que le FCFA limite ou augmente les marges de manœuvre?
Ousmane Tanor Dieng: Non, ce sont les ressources naturelles qui déterminent les richesses d'un pays. Mes concitoyens doivent cesser de souffrir à ce point. Bien que le Sénégal ne soit pas doté de ressources naturelles, nous avons d'excellentes ressources humaines qu'il faut gérer avec organisation et méthode afin de pouvoir mettre les gens au travail, leur permettre de "s'en sortir" et enrichir la communauté nationale. Mais cela ne suffit pas: il faut lutter contre la corruption, organiser un Etat de droit. Il faut encore désenclaver le pays, avoir une vision claire de sa position dans la région et dans le monde. Le Sénégal aurait dû se doter d'autoroutes nationales et peser de tout son poids pour la réalisation de voies de circulation transnationales, y compris le chemin de fer. Cela pose un problème de choix des infrastructures: le gouvernement d'Abdoulaye Wade a choisi des réalisations tape-à- l'œil - telles que l'aménagement de la Corniche, la VDN, l’autoroute à péage – qui ont coûté 1500 milliards et n'ont pas désenclavé les régions.
Henri Vario-Nouioua: Cela nous amène à parler du riz du Sénégal…
Ousmane Tanor Dieng: Les 11 années d'alternance auront constitué une parenthèse douloureuse pendant laquelle nous avons reculé. Lorsqu'il était au pouvoir, le PS avait commencé à mettre en valeur la Région du Fleuve. Pourquoi n'ont-ils pas continué?
Henri Vario-Nouioua: Et la Police sénégalaise?
Ousmane Tanor Dieng: Sécuritaire, structurée au profit d'un pouvoir autocratique.
Henri Vario-Nouioua: Abdoulaye Wade ne devrait-il pas choisir de se reposer plutôt que de se représenter aux prochaines élections présidentielles de 2012?
Ousmane Tanor Dieng: Un homme de son âge a, en effet, droit au repos mais c'est un pouvoiriste. Aujourd'hui, il ne se conçoit pas vivant et en dehors du pouvoir ou son fils à sa place. Sa hantise est d'être battu aux élections. Etant donné son âge, peut-il raisonnablement espérer gouverner encore un si grand nombre d'années?
Henri Vario-Nouioua: Est-ce que nous, Africains, ne prenons pas nos chefs d'État en otage?
Ousmane Tanor Dieng: Non, je pense qu'Abdoulaye Wade veut rester au pouvoir jusqu'à son dernier souffle de vie. Indépendamment de cela, sa famille, son clan, son parti ont intérêt à le prendre en otage pour qu'il demeure au pouvoir.
Henri Vario-Nouioua: Et Karim Wade?
Ousmane Tanor Dieng: Karim Wade n'a aucune chance. Son père veut gagner encore une fois pour le porter au pouvoir à travers une réforme de la Constitution. Mais Karim lui-même veut-il vraiment marcher dans les pas de son père?
Henri Vario-Nouioua: Que pensez-vous de l'attitude de la Communauté Internationale à l'égard de la Côte d'Ivoire?
Ousmane Tanor Dieng: Les Nations Unies ont certifié la victoire de d'Allassane Ouattara. Elles se sont crues en droit de le faire car elles avaient été sollicitées pour superviser la tenue des élections.
Henri Vario-Nouioua: Quelle a été votre réaction lorsque les télévisions ont diffusé les images de Laurent Gbagbo et de son épouse lors de leur arrestation?
Ousmane Tanor Dieng: C'était choquant, humiliant, tout comme pour Dominique Strauss-Kahn ces derniers jours. Du fait de leur rang, ils auraient dû être traités avec plus de dignité. J'ai trouvé cela bouleversant, insupportable, d'autant que je les connais personnellement tous les deux. La leçon à tirer de cela est qu'en politique, tous les coups sont permis. Pour autant, cela me renvoie à l’image déplorable de nos prisons et à méditer sur le sort de ceux dont le nom étant ignoré de tous ne sont plus rien quand le rouleau compresseur les écrase. Nous devons, à ce propos, mener une réflexion et dégager des moyens pour un traitement humain et digne pour tous, mieux respecter la présomption d’innocence et c’est là affaire de volonté politique, de respect de son prochain et non de rentabilité financière.
Quant à Laurent Gbagbo, c'est la pratique du pouvoir qui l'a transformé. En 2002, la Côte d'Ivoire a été coupée en deux par le coup d'État. A partir de ce moment, Laurent Gbagbo n'a pas pu véritablement gouverner. Il a été victime du système qu'il a contribué à mettre en œuvre et qui a fait de lui un monstre avant de le broyer. La Communauté internationale a une attitude contradictoire: on reproche à la Libye de tirer sur des populations innocentes et alors qu'il se produit la même chose en Syrie. Se débarrasser de Kadhafi ramènerait-il la paix? Je n'en suis pas sûr.
Ousmane Tanor Dieng: Non, ce sont les ressources naturelles qui déterminent les richesses d'un pays. Mes concitoyens doivent cesser de souffrir à ce point. Bien que le Sénégal ne soit pas doté de ressources naturelles, nous avons d'excellentes ressources humaines qu'il faut gérer avec organisation et méthode afin de pouvoir mettre les gens au travail, leur permettre de "s'en sortir" et enrichir la communauté nationale. Mais cela ne suffit pas: il faut lutter contre la corruption, organiser un Etat de droit. Il faut encore désenclaver le pays, avoir une vision claire de sa position dans la région et dans le monde. Le Sénégal aurait dû se doter d'autoroutes nationales et peser de tout son poids pour la réalisation de voies de circulation transnationales, y compris le chemin de fer. Cela pose un problème de choix des infrastructures: le gouvernement d'Abdoulaye Wade a choisi des réalisations tape-à- l'œil - telles que l'aménagement de la Corniche, la VDN, l’autoroute à péage – qui ont coûté 1500 milliards et n'ont pas désenclavé les régions.
Henri Vario-Nouioua: Cela nous amène à parler du riz du Sénégal…
Ousmane Tanor Dieng: Les 11 années d'alternance auront constitué une parenthèse douloureuse pendant laquelle nous avons reculé. Lorsqu'il était au pouvoir, le PS avait commencé à mettre en valeur la Région du Fleuve. Pourquoi n'ont-ils pas continué?
Henri Vario-Nouioua: Et la Police sénégalaise?
Ousmane Tanor Dieng: Sécuritaire, structurée au profit d'un pouvoir autocratique.
Henri Vario-Nouioua: Abdoulaye Wade ne devrait-il pas choisir de se reposer plutôt que de se représenter aux prochaines élections présidentielles de 2012?
Ousmane Tanor Dieng: Un homme de son âge a, en effet, droit au repos mais c'est un pouvoiriste. Aujourd'hui, il ne se conçoit pas vivant et en dehors du pouvoir ou son fils à sa place. Sa hantise est d'être battu aux élections. Etant donné son âge, peut-il raisonnablement espérer gouverner encore un si grand nombre d'années?
Henri Vario-Nouioua: Est-ce que nous, Africains, ne prenons pas nos chefs d'État en otage?
Ousmane Tanor Dieng: Non, je pense qu'Abdoulaye Wade veut rester au pouvoir jusqu'à son dernier souffle de vie. Indépendamment de cela, sa famille, son clan, son parti ont intérêt à le prendre en otage pour qu'il demeure au pouvoir.
Henri Vario-Nouioua: Et Karim Wade?
Ousmane Tanor Dieng: Karim Wade n'a aucune chance. Son père veut gagner encore une fois pour le porter au pouvoir à travers une réforme de la Constitution. Mais Karim lui-même veut-il vraiment marcher dans les pas de son père?
Henri Vario-Nouioua: Que pensez-vous de l'attitude de la Communauté Internationale à l'égard de la Côte d'Ivoire?
Ousmane Tanor Dieng: Les Nations Unies ont certifié la victoire de d'Allassane Ouattara. Elles se sont crues en droit de le faire car elles avaient été sollicitées pour superviser la tenue des élections.
Henri Vario-Nouioua: Quelle a été votre réaction lorsque les télévisions ont diffusé les images de Laurent Gbagbo et de son épouse lors de leur arrestation?
Ousmane Tanor Dieng: C'était choquant, humiliant, tout comme pour Dominique Strauss-Kahn ces derniers jours. Du fait de leur rang, ils auraient dû être traités avec plus de dignité. J'ai trouvé cela bouleversant, insupportable, d'autant que je les connais personnellement tous les deux. La leçon à tirer de cela est qu'en politique, tous les coups sont permis. Pour autant, cela me renvoie à l’image déplorable de nos prisons et à méditer sur le sort de ceux dont le nom étant ignoré de tous ne sont plus rien quand le rouleau compresseur les écrase. Nous devons, à ce propos, mener une réflexion et dégager des moyens pour un traitement humain et digne pour tous, mieux respecter la présomption d’innocence et c’est là affaire de volonté politique, de respect de son prochain et non de rentabilité financière.
Quant à Laurent Gbagbo, c'est la pratique du pouvoir qui l'a transformé. En 2002, la Côte d'Ivoire a été coupée en deux par le coup d'État. A partir de ce moment, Laurent Gbagbo n'a pas pu véritablement gouverner. Il a été victime du système qu'il a contribué à mettre en œuvre et qui a fait de lui un monstre avant de le broyer. La Communauté internationale a une attitude contradictoire: on reproche à la Libye de tirer sur des populations innocentes et alors qu'il se produit la même chose en Syrie. Se débarrasser de Kadhafi ramènerait-il la paix? Je n'en suis pas sûr.
Henri Vario-Nouioua: Qu'est-ce qui contrarie l'avènement des États-Unis d'Afrique?
Ousmane Tanor Dieng: Un manque de volonté politique. Chacun fait preuve d'égoïsme national: notre hymne, notre drapeau… Senghor a toujours cru à l'intégration africaine. Il disait qu'il fallait construire par cercles concentriques: commencer par soi et son voisin puis élargir l'union. Depuis 60 ans, cela n'a pas avancé assez vite.
Henri Vario-Nouioua: Cela permettrait pourtant la réalisation de projets dans la sous-région…
Ousmane Tanor Dieng: Tout à fait, on pourrait s'inspirer de l'Europe qui s'est organisée notamment autour de l'acier, de l'agriculture. L'intégration par secteurs, c'est également l'esprit du plan Omega. Si nous avancions, nous pourrions atteindre l'autosuffisance en matière agricole et hydraulique. Ce serait un bon début. Mais il faut la volonté politique, il faut aimer la vie et les Hommes plus que soi-même.
Henri Vario-Nouioua: Comment faire pour que les paysans puissent travailler?
Ousmane Tanor Dieng: Je crois à un vaste programme de relance de l'agriculture élaboré au regard des leçons du passé. Il faut aider les paysans (prêt de semences, d'intrants etc.) avec des modalités adaptées à leurs possibilités. Lorsque nous étions au pouvoir, nous avions commencé un phosphatage en profondeur, dans le but de régénérer la couche fertile, qui serait terminé maintenant et aurait apporté un plus à tous les paysans. Pourquoi cela a-t-il cessé?
Henri Vario-Nouioua: Est-il prévu, dans les villages, la mise en commun des moyens de production et de distribution?
Ousmane Tanor Dieng: Oui, tout à fait. D'ailleurs, cela est conforme à nos traditions: c'est, au fond, ce que les Sénégalais connaissent et comprennent. C'est justement cette solidarité humaine sénégalaise qui a permis d'atténuer les multiples chocs issus de la mal gouvernance de cette dernière décennie.
Henri Vario-Nouioua: Quel est l'avenir du Parti Socialiste?
Ousmane Tanor Dieng: Vaincre dans le cadre de la coalition Bennoo Siggil Senegaal. Le Parti Socialiste y joue un rôle central: c'est le parti le plus ancien, le plus massif, le mieux représenté. Nous avons réussi à organiser une synergie entre les générations que nous avons réunies à travers les universitaires, les cadres du privé et du public, les jeunes, les femmes. Nous avons résisté à l'assaut des libéraux qui ont cherché à nous détruire. Nous considérons que l'on doit tout faire pour avoir un candidat unique de la gauche. Si Wade se présente, je crains que ce ne soit avec l'intention de truquer les élections ou corrompre les décideurs. Beaucoup disent qu'il ne compte que sur cela. Malheureusement, il a l'appareil de l'État entre les mains.
Henri Vario-Nouioua: Pour ce qui concerne la base, avez-vous le sentiment que la coalition Sopi, et son discourt populiste, pourrait créer une surprise?
Mamadou Djite: Abdoulaye Wade n'a qu'à se présenter, on le battra. Les plus faibles ont maintenant compris qu'ils n'avaient pas d'avenir avec lui à la tête de l'État.
Ousmane Tanor Dieng: Il ne faut pas négliger la capacité de nuisance et de corruption. Cela-dit, dans les villes, les plus faibles ont été diminués et appauvris. Ils estiment qu'ils ont été trompés. Dans les campagnes, l'arachide, production principale génératrice de revenus monétaire, n'est pas achetée. Le Bennoo a battu le PDS dans toutes les élections locales. Nous sommes organisés et irons en rangs serrés. Cependant, rien n'est gagné: il faut mobiliser les gens, faire en sorte qu'ils puissent voter, qu'il n'y ait pas de fraude et que le dépouillement soit transparent pour le mieux-être de tous.
Henri Vario-Nouioua: Comment la diaspora pourra-t-elle voter?
Ousmane Tanor Dieng: Je préconise qu'elle vote sur place. Si certains d'entre eux peuvent venir aider ici, au Sénégal, ce sera formidable.
Henri Vario-Nouioua: Quel père de famille êtes-vous?
Ousmane Tanor Dieng: Mes enfants se plaignent que la politique me dévore mais je suis entre les mains des militants. Je veux dire par là que tous doivent pouvoir compter sur nous, qui sommes à la tête du Parti, pour les aider et aider les populations localement. Ma famille, ce sont mes proches mais aussi mon village, mon parti. Malheureusement, les collectivités locales, telles qu'elles sont structurées actuellement, n'ont pas de moyens suffisants. Nous avons pu faire un état des lieux exhaustif portant sur les dix et même les cinquante dernières années. Dans le cadre du Bennoo Siggil Senegaal, nous avons arrêté des mesures importantes pour redresser le pays et améliorer le niveau de vie de chacun. Nous devons créer une équipe - car l'ère du Messie est passée - pour se battre, gagner et gérer le pays.
Ousmane Tanor Dieng se lève et tout le monde pense que c’est pour marquer la fin de l’entretien. Il ordonne : « Naturellement, je vous garde à déjeuner. » Tout le monde s’assoit. Un plat de Tieboudienne est servi. Ousmane effrite le poisson et le partage entre nous tous en disant : « Nous sommes des privilégiés, nous faisons partie des 10% de Sénégalais qui mangent à leur faim. Ne l’oubliez pas. » Tout le monde sait alors que nous sommes entrés chez Tanor Dieng innocents et en ressortirons coupables.
Ousmane Tanor Dieng: Un manque de volonté politique. Chacun fait preuve d'égoïsme national: notre hymne, notre drapeau… Senghor a toujours cru à l'intégration africaine. Il disait qu'il fallait construire par cercles concentriques: commencer par soi et son voisin puis élargir l'union. Depuis 60 ans, cela n'a pas avancé assez vite.
Henri Vario-Nouioua: Cela permettrait pourtant la réalisation de projets dans la sous-région…
Ousmane Tanor Dieng: Tout à fait, on pourrait s'inspirer de l'Europe qui s'est organisée notamment autour de l'acier, de l'agriculture. L'intégration par secteurs, c'est également l'esprit du plan Omega. Si nous avancions, nous pourrions atteindre l'autosuffisance en matière agricole et hydraulique. Ce serait un bon début. Mais il faut la volonté politique, il faut aimer la vie et les Hommes plus que soi-même.
Henri Vario-Nouioua: Comment faire pour que les paysans puissent travailler?
Ousmane Tanor Dieng: Je crois à un vaste programme de relance de l'agriculture élaboré au regard des leçons du passé. Il faut aider les paysans (prêt de semences, d'intrants etc.) avec des modalités adaptées à leurs possibilités. Lorsque nous étions au pouvoir, nous avions commencé un phosphatage en profondeur, dans le but de régénérer la couche fertile, qui serait terminé maintenant et aurait apporté un plus à tous les paysans. Pourquoi cela a-t-il cessé?
Henri Vario-Nouioua: Est-il prévu, dans les villages, la mise en commun des moyens de production et de distribution?
Ousmane Tanor Dieng: Oui, tout à fait. D'ailleurs, cela est conforme à nos traditions: c'est, au fond, ce que les Sénégalais connaissent et comprennent. C'est justement cette solidarité humaine sénégalaise qui a permis d'atténuer les multiples chocs issus de la mal gouvernance de cette dernière décennie.
Henri Vario-Nouioua: Quel est l'avenir du Parti Socialiste?
Ousmane Tanor Dieng: Vaincre dans le cadre de la coalition Bennoo Siggil Senegaal. Le Parti Socialiste y joue un rôle central: c'est le parti le plus ancien, le plus massif, le mieux représenté. Nous avons réussi à organiser une synergie entre les générations que nous avons réunies à travers les universitaires, les cadres du privé et du public, les jeunes, les femmes. Nous avons résisté à l'assaut des libéraux qui ont cherché à nous détruire. Nous considérons que l'on doit tout faire pour avoir un candidat unique de la gauche. Si Wade se présente, je crains que ce ne soit avec l'intention de truquer les élections ou corrompre les décideurs. Beaucoup disent qu'il ne compte que sur cela. Malheureusement, il a l'appareil de l'État entre les mains.
Henri Vario-Nouioua: Pour ce qui concerne la base, avez-vous le sentiment que la coalition Sopi, et son discourt populiste, pourrait créer une surprise?
Mamadou Djite: Abdoulaye Wade n'a qu'à se présenter, on le battra. Les plus faibles ont maintenant compris qu'ils n'avaient pas d'avenir avec lui à la tête de l'État.
Ousmane Tanor Dieng: Il ne faut pas négliger la capacité de nuisance et de corruption. Cela-dit, dans les villes, les plus faibles ont été diminués et appauvris. Ils estiment qu'ils ont été trompés. Dans les campagnes, l'arachide, production principale génératrice de revenus monétaire, n'est pas achetée. Le Bennoo a battu le PDS dans toutes les élections locales. Nous sommes organisés et irons en rangs serrés. Cependant, rien n'est gagné: il faut mobiliser les gens, faire en sorte qu'ils puissent voter, qu'il n'y ait pas de fraude et que le dépouillement soit transparent pour le mieux-être de tous.
Henri Vario-Nouioua: Comment la diaspora pourra-t-elle voter?
Ousmane Tanor Dieng: Je préconise qu'elle vote sur place. Si certains d'entre eux peuvent venir aider ici, au Sénégal, ce sera formidable.
Henri Vario-Nouioua: Quel père de famille êtes-vous?
Ousmane Tanor Dieng: Mes enfants se plaignent que la politique me dévore mais je suis entre les mains des militants. Je veux dire par là que tous doivent pouvoir compter sur nous, qui sommes à la tête du Parti, pour les aider et aider les populations localement. Ma famille, ce sont mes proches mais aussi mon village, mon parti. Malheureusement, les collectivités locales, telles qu'elles sont structurées actuellement, n'ont pas de moyens suffisants. Nous avons pu faire un état des lieux exhaustif portant sur les dix et même les cinquante dernières années. Dans le cadre du Bennoo Siggil Senegaal, nous avons arrêté des mesures importantes pour redresser le pays et améliorer le niveau de vie de chacun. Nous devons créer une équipe - car l'ère du Messie est passée - pour se battre, gagner et gérer le pays.
Ousmane Tanor Dieng se lève et tout le monde pense que c’est pour marquer la fin de l’entretien. Il ordonne : « Naturellement, je vous garde à déjeuner. » Tout le monde s’assoit. Un plat de Tieboudienne est servi. Ousmane effrite le poisson et le partage entre nous tous en disant : « Nous sommes des privilégiés, nous faisons partie des 10% de Sénégalais qui mangent à leur faim. Ne l’oubliez pas. » Tout le monde sait alors que nous sommes entrés chez Tanor Dieng innocents et en ressortirons coupables.